DÉGAGE ! La révolution continue en Égypte et en Tunisie
Depuis que les dictateurs sont tombés en Égypte et en Tunisie, ceux qui ont pris leur place voient leur pouvoir contesté chaque jour un peu plus. Grèves sauvages, manifestations et affrontements avec la police, attaques et incendies contre des bâtiments institutionnels et des locaux de partis politiques…, l’offensive contre les dirigeants d’Ennahdha en Tunisie et des Frères Musulmans en Égypte ne connaît pas de trêve.
À l’occasion des deux ans du début du soulèvement, fin janvier, puis de la chute de Moubarak, début février, des milliers de personnes sont descendues dans les rues égyptiennes. Des affrontements ont éclaté entre la police et des manifestant-e-s dont certain-e-s s’étaient préparé-e-s à attaquer, à coup de cocktails Molotov et de pierres, contre les lacrymogènes, les balles en caoutchouc, et les balles réelles utilisées par l’armée. Plusieurs locaux des Frères Musulmans ont également été saccagés et incendiés. On a pu voir un drapeau anarchiste rouge et noir à la fenêtre de l’un d’entre-eux pendant son occupation. Le 12 février à l’aube, Morsi, le président de la république, est obligé de quitter le palais présidentiel par la petite porte.
Quelques jours après, une grève éclate à Port Saïd, les chemins de fer sont bloqués, ainsi que le trafic des ferrys dans le canal de Suez. Au Caire, deux restaurants appartenant à des hommes d’affaire islamistes situés près de la place Tahrir sont incendiés.
Le 22 mars, des manifestations sont appelées contre les Frères Musulmans. Plusieurs de leurs locaux ont pris feu au Caire ou à Mahalla. Aux abords du siège principal du parti à Moqattam, des heurts ont opposé manifestant-e-s aux flics et aux membres du parti venu de toute la région pour défendre leur siège. Les bus dans lesquels ils avaient fait le déplacement ont été incendiés. Ces affrontements entre pro-Morsi et manifestant-e-s anti-gouvernement se sont poursuivis plusieurs jours, notamment au Caire ou à Alexandrie. En une semaine, plus de trente locaux des Frères Musulmans ont été attaqués dans tout le pays.
En Tunisie, après l’assassinat d’un opposant politique début février, des affrontements entre policiers et manifestant-e-s ont lieu dans plusieurs villes tandis que des dizaines de locaux du parti au pouvoir, Ennahdha, sont saccagés et incendiés à travers tout le pays. Le jour de l’enterrement une grève générale met le pays à l’arrêt et les flics essuient des jets de pierres et d’engins incendiaires.
Le 3 mars à Thala, Ghannouchi le chef du parti islamiste, le ministre des affaires religieuses et un député sont dégagés de la ville à coup de slogans et de pierres. Leur voiture est défoncée.
Le 27 mars, à M’dhilla, près de Gasfa, des manifestant-e-s se sont opposé-e-s aux flics qui ont tiré à la chevrotine. En réponse le local d’Ennahdha a été incendié.
À Hammet El Jérid, le 14 mars, c’est cette fois-ci suite à la condamnation à six ans de prison de sept jeunes, accusés d’avoir agressé des flics et attaqué le poste de police, que des affrontements ont éclaté et qu’une voiture de police a été incendiée.
Les gouvernants ne veulent pas lâcher leur pouvoir mais lâchent leurs flics : à chaque manif’ ce sont des mort-e-s et des centaines de blessé-e-s. Les arrestations et condamnations se multiplient (plusieurs milliers) parmi les opposant-e-s au pouvoir : émeutier-e-s, manifestant-e-s, membres de groupes révolutionnaires, rappeurs/euses…
Le camp de celles et ceux qui veulent la chute du régime n’est pas homogène : il y a celleux qui veulent de nouvelles élections et prendre à leur tour le pouvoir ou seraient prêts à le partager avec celui en place actuellement, celleux qui croient encore que la situation peut s’améliorer et puis il y a celleux qui en ont marre, qui veulent en finir avec l’exploitation et la domination, ou qui ont la haine des flics et du pouvoir.
À l’occasion de l’ouverture du Forum Social Mondial à Tunis, rassemblement d’altermondialistes, des groupes anarchistes et anti-autoritaires ont perturbé les discussions, aux cris de « Forum social, forum du capital », dénonçant ainsi la récupération de la révolution tunisienne par des politiciens de gauche.
De nombreuses pratiques se développent, par exemple des groupes d’autodéfense féministe qui, en Égypte, se sont organisés pour faire face à la violence patriarcale et qui se sont rendus récemment dans les manifestations armés de couteaux de cuisine. Et puis il y a les luttes dans les quartiers contre les expulsions, pour refuser de payer les taxes, impôts et factures d’électricité, les tags et graffitis qui recouvrent les murs, le pillage des magasins d’alimentation d’État, la multiplication de journaux d’agitation, les grèves sauvages, les blocages de route et les sabotages, la coordination de groupes d’attaque dans les manifs, l’émergence d’un mouvement anti-autoritaire et anarchiste… À propos de tout ça, il nous manque des témoignages et des informations directes.
Ce qui est sûr, c’est que ce qui se déroule là-bas nous parle et nous inspire ; que chaque manifestation, chaque local de politiciens ravagé, chaque acte de révolte, est un peu plus d’air, un pas de plus vers la liberté.
Ces événements nous montrent qu’ici aussi, que partout, la révolution est possible et qu’on peut se battre pour changer radicalement l’ordre des choses, contre l’État et le capitalisme.
Exprimons ici notre solidarité avec les insurgé-e-s en Tunisie, en Égypte et propageons la révolte contre tous les pouvoirs.
Vive la révolution !
publié dans le n°1